Non je ne travaillerai pas / A l'infini // Les mots // Ne les plierai pas / Ne les courberai pas / Ne les casserai pas / Même si pas assez beaux (...)
Dès la première page, tout est dit et le lecteur apprécie. Il salue d'un sourire ce premier poème car dès lors, il sait qu'il s'agit d'une affaire entre les mots, le poète et la page et que lui, donc, peut rester tranquille à sa place de lecteur.
Dans le livre de Jany Pineau, les mots et le poème deviennent mille petits personnages. On y croise les mots balayeurs qui sortent des paquets de noir, les mots poison à mastiquer longuement, les mots durs et les mots doux, des mots d'occasion aussi qui ne coûtent pas trop cher....
Il émane de ces textes une énergie, une liberté... et l'envie de prendre soin de soi. Et là vous
vous dites n'importe quoi ! Et bien moi, je me demande plutôt depuis combien de
temps je n'ai pas lu un livre que me donne envie de m'écouter et m'occuper de moi ?
Se faire un cadeau. S'écrire un tout petit poème, rien que pour soi. Se
pardonner de ne pouvoir mieux dire. Non pas creuser là où ça fait mal,
mais caresser, être à la surface des mots (...)
Tenir tête / Tenir bon / Tenir à soi / Tenir l'écriture
Je veille. En silence. Et je sais pourquoi.
Jany Pineau sait pourquoi elle écrit et pourquoi elle écrit ce qu'elle écrit. Le lecteur l'entend en lisant : Je raye les mots jolis. Je les veux nets et précis.
Pas de tergiversation feutrée, pas de fausses hésitations ni de complaisance dans ses textes. Mais de l'énergie (je l'ai déjà dit mais si un mot devait résumer ma lecture ce serait celui-ci), de la détermination et un gros paquet de bienveillance et cela donne des textes qui (me) font du bien à la lecture... Il y a du jeu aussi, jeu avec les mots, jeu avec la langue car il ne s'agit pas non plus de se prendre tout à fait au sérieux, mais ce n'est jamais gratuitement, ni au détriment du sens, ce que d'ailleurs le titre annonce dès le début, prenant le contrepied de l'expression sens dessus dessous.
Il est aussi question d'écrire et de dire (ou se taire, ou encore d'être tue) :
Chercher le taire. Et doucement, à l'ombre de la nuit. L'écouter l'apprivoiser. Le toucher. L'émouvoir. Et l'apprivoiser encore. S'apprivoiser.
Ces poèmes de rien écrites avec des mots de peu (mais comme dit l'auteur curieux comme le rien ressemble à un tout) font un ensemble tenu qui se moque bien du paraitre, du clinquant et du renom.
Malgré les fleurs jetés // Sentir l'envasement // Sortir de là // (...) ( N'est pas un poème // Ressemble juste à de la débrouille) (...)
Je laisse son livre à portée de mains. Je sais que je reviendrai y piocher parfois une ou deux histoires de mot quand ce sera un peu trop sens dessus dessous chez moi...
Avec dessus dessous de Jany Pineau
Gros Textes, 2015 - 9 €
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